Questions de communication

Le recours au financement participatif par les médias d’information : levier de communication, travail en soi, idéologie marchande

Crowdfunding Resort by Media Company: Communication Leverage, Work in Itself, Market Ideology Guillaume Goasdoué p. 289-306 https://doi.org/10.4000/questionsdecommunication.10483Résumé | Index | Plan | Texte | Bibliographie | Notes | Citation | Cité par | Auteur

Résumés

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Le financement participatif (crowdfunding) permet de récolter des fonds via un procédé alternatif qui met en relation des porteurs de projets, des plateformes et des contributeurs. Plusieurs cas de figures sont observables parmi les médias qui choisissent de recourir à ce procédé (création, diversification, coup par coup, sauvetage). Cet article discute du rôle de la communication et de ses effets et implications (un travail en soi), puis de la charge idéologique que véhicule ce système. Ainsi, au-delà de quelques présupposés, notamment l’idée que l’aspect économique est essentiel, nous montrerons que les techniques rationalisées dont use ce type de collecte fraient largement avec des logiques mercatiques.

Entrées d’index

Mots-clés :

économie des médias, journalisme, financement participatif, capital social, idéologie

Keywords :

journalism, crowdfunding, media economy, ideology, social capitalHaut de page

Financement participatif et journalisme

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  • 1 Exemples d’extraits d’entretien :

1En tant que mécanisme de collecte de fonds usant de techniques mercatiques, le financement participatif au temps du numérique fraie largement avec le domaine de la communication. En effet, la plupart des médias qui reviennent sur leur expérience déclarent que le recours au « crowdfunding » relève autant, sinon plus, de l’« opération de communication » que d’une opération économique. Or, le service n’est pas nécessairement perçu comme tel au premier abord ni par le grand public, ni par une partie des porteurs de projets qui ont eu l’idée d’y recourir. Plusieurs raisons semblent expliquer cela : le système est encore mal connu, la quasi-totalité des porteurs de projets n’a expérimenté le service qu’une seule fois et de nombreux discours et idées reçues contribuent à véhiculer une image biaisée du phénomène. Aussi, de multiples extraits d’entretiens (lesquels ont été réalisés avec des journalistes et des responsables de plateforme de collecte) illustrent-ils ce décalage et laissent-ils entendre qu’il s’agit moins de financer un média que de « faire parler d’un projet » ou de « recruter des bêta-testeurs »1. D’ailleurs, les sommes récupérées sont souvent minimes, du moins largement insuffisantes pour que celles-ci recouvrent à elles-seules les dépenses d’un média.

  • 2 Nous utilisons le terme participatif dans sa plus simple signification (« participer à »), sans rep (…)
  • 3 Au Québec, le terme socio-financement est aussi utilisé.

2L’expression crowdfunding et sa traduction la plus répandue, financement participatif, indique bien la nature économique du service auquel le caractère participatif est ajouté pour forger un mot-valise. Pour notre part, nous utiliserons uniquement le terme financement participatif – si limitée soit la participation2 – aux dépens des expressions crowdfunding ou financement par la foule3. En effet, ces deux dernières expressions sont trop imprécises : d’une part, l’ordre de grandeur de la participation est souvent proche de quelques centaines d’individus, ce qui ne correspond pas au caractère massif sous-entendu par le terme foule ; d’autre part, ce dernier est trop impersonnel eu égard au caractère social de la pratique, laquelle induit un engagement systématique des réseaux sociaux parmi les contributeurs (famille, amis, collègues, communauté préexistante).

3Le système de financement dont il est question ici est celui qui fonctionne sur la contrepartie (reward based) ; ne seront donc pas abordées les autres branches du financement participatif que sont le prêt d’argent avec intérêts ou la prise de participation au capital d’une entreprise. Partant, on conçoit le caractère équivoque, voire inapproprié, du terme don pour qualifier la pratique. Si l’on peut se référer au travail de Marcel Mauss (1924) quand il s’inspire de l’approche durkheimienne pour envisager le don non comme un acte économique désincarné mais comme un fait social total – ce qui implique de comprendre le contexte social et les codes en usage (réciprocité, don/contre-don) –, on doit également considérer le fait de donner de l’argent comme une transaction qui induit une intentionnalité et une contrepartie exigible (Testart, 2007). Dans notre cas, les contributions relèvent en partie du don désintéressé (donation), mais aussi, le plus souvent, de la transaction, laquelle est associée à des gratifications matérielles – qui sont parfois symboliques, nous y reviendrons.

  • 4 La société Kisskissbankbank est aussi présente dans le secteur du prêt aux particuliers (hellomerci (…)
  • 5 L’un des plus gros acteurs mondiaux dans le domaine, Kickstarter, est arrivé en France en mai 2015, (…)
  • 6 Il est possible qu’une même personne effectue plusieurs opérations ; c’est pourquoi nous n’indiquon (…)

4De manière générale, les campagnes adoptent un même mode opératoire, à savoir le lancement d’une collecte cadrée par deux objectifs : un montant d’argent espéré et un délai temporel pour l’atteindre. En France, les plateformes généralistes les plus utilisées (Kisskissbankbank4 et Ulule)5 fonctionnent sur le principe « tout ou rien ». Les porteurs de projet ne reçoivent leur argent (après déduction d’une commission d’environ 8 %) que si le taux de la collecte atteint ou dépasse l’objectif prédéfini, et ce dans le temps imparti, soit environ 40 jours en moyenne. Dans le cas contraire, si le taux de collecte est inférieur à 100 %, tous les contributeurs sont remboursés. À titre d’exemples : en juin 2015, le site Rue89-Strasbourg a récolté 36 395 euros (867 contributions6), soit 103 % des 35 000 euros escomptés. Cette somme permet au média de survivre et de poursuivre son activité dans de meilleures conditions. De son côté, le nouveau média Brief.me – dont l’objet est l’envoi quotidien par courriel d’un résumé des actualités – a obtenu 886 pré-abonnements (l’équivalent d’environ 20 000 euros) en novembre 2014, soit 177 % des 500 pré-abonnements visés initialement. À chaque palier de transaction (10, 20, 50 euros…) correspondait une durée d’abonnement (trois mois, six mois, un an…) avec la possibilité de tester le service avant son lancement officiel. Dernier exemple, la nouvelle revue Society, lancée en mars 2015 par le groupe Sopress (Sofoot, Sofilm, Doolittle, Pédale…) a engrangé 50 199 euros (936 contributions). Les contributeurs ont principalement obtenu des abonnements, parfois croisés avec d’autres titres du groupe, à un tarif privilégié, pour des durées plus ou moins longues en fonction de la hauteur du versement.

5Selon nos observations – voir ci-dessous la partie « Méthodologie » –, pour les projets relevant du journalisme, les raisons de recourir à ce procédé de récolte de fonds découlent de quatre principaux types de situation : création, diversification, coup par coup, sauvetage. Dans le premier cas, celui d’une création, on a affaire aux projets qui sollicitent des contributions en vue de lancer un nouveau média. La deuxième situation (la diversification) concerne les titres installés qui développent un nouveau projet, par exemple sur un nouveau support (revue papier, site internet) ou un nouveau domaine d’activité (sport, film, technologie). Le troisième cas (coup par coup) correspond aux médias qui ont vocation à renouveler les appels pour financer des grandes enquêtes ou pour assurer la production d’une future saison (à l’instar des associations pour le maintien d’une agriculture paysanne – Amap – où l’engagement s’effectue en amont auprès d’un producteur de fruits et légumes). Enfin, le cas des sauvetages regroupe les médias qui ont un besoin impératif d’argent pour relancer un titre ou pour poursuivre une aventure.

6Du point de vue économique, on obtient des montages financiers dont la part du financement participatif s’avère être variable, mais souvent (très) minoritaire. L’un des journalistes d’un site régional qui a récolté environ 30 000 euros qualifie la somme d’« epsilonesque » (insignifiante). En tout état de cause, les projets s’appuient toujours sur des sources de financement multiples (mécènes, fonds propres, emprunts, subventions, publicité, formation, consulting…). Partant, cette précision permet déjà de nuancer les idées reçues véhiculées au sujet du financement participatif (panacée économique, « argent facile », participation massive…). En l’espèce, dans la majorité des cas, l’aspect économique est secondaire au regard des enjeux de communication qui sous-tendent les opérations de collecte.

7Toutefois, si la dimension communicationnelle prédomine dans ce procédé de récolte de fonds, d’autres aspects (économique, politique, social) participent également au développement de ce phénomène. Aussi, nous nous attacherons à généraliser notre propos en indexant les observations au contexte d’évolution des médias (Franklin, 2014). Dans cette perspective, le financement participatif peut, en quelque sorte, apparaître comme un révélateur car il permet, au-delà des espoirs suscités et des discours enthousiastes véhiculés à son endroit, de situer les enjeux de fond propres au secteur du journalisme : dysfonctionnements du système des aides à la presse (inéquitable), instabilité économique des entreprises, inadaptation des statuts (gouvernance), menaces envers l’indépendance éditoriale (en raison des intérêts dont sont porteurs les propriétaires de médias), chute des ressources publicitaires (passage au numérique, bloqueurs de publicités), pluralisme en berne (Rebillard, 2012), intensification de la concurrence : des « amateurs » (« Huffinization » – Bakker, 2012), des médias entre eux, ainsi que de la part des « infomédiaires » comme Google et Facebook (Rebillard, Smyrnaios, 2010).

  • 7 Nous tenons à remercier les relecteurs anonymes qui ont commenté la première version de ce texte.

8Dans le prolongement de l’introduction, nous discuterons des questions méthodologiques et de la littérature sur le sujet, puis nous poursuivrons en nous intéressant aux techniques employées en matière de communication et de marketing. Ensuite, nous montrerons comment les campagnes de collecte se révèlent être un travail en soi qui nécessite un investissement multiforme (temps, compétences). Enfin, nous reviendrons sur les fondements idéologiques sur lesquels repose ce procédé de récolte de fonds (« usager actif », libre marché). Chemin faisant, il s’agira de nuancer quelques idées reçues et de réfléchir aux implications (pratiques, éditoriales, professionnelles) que ce phénomène tend à instiller dans le champ des médias7.

Méthodologie et littérature

  • 8 Les médias et plateformes concernés sont Aqui, Brief.me, Le Courrier des Balkans, Enquête ouverte,(…)
  • 9 Ce montant correspond à environ 2 % des 16 millions d’euros du montage financier total (entretien, (…)
  • 10 Pour une approche du crowdfunding dans différents secteurs culturels, voir L. Bennett, B. Chin et B (…)

9Nous avons approché la question du financement participatif de trois principales manières : en effectuant une veille, en réalisant des entretiens et en mobilisant les travaux internationaux produits sur le sujet. En premier lieu, nous avons suivi une trentaine de campagnes, de leur préparation à leur finalisation, en consultant les informations disponibles en ligne (plateformes, sites, réseaux socionumériques, newsletters). Ces informations sont produites par les porteurs de projets et par les médias qui rendent compte, de temps à autres, de l’actualité du financement participatif. En deuxième lieu, 16 entretiens – d’une durée de 25 minutes à deux heures – ont été réalisés par téléphone ou en présence entre l’automne 2014 et l’été 2015. Les interlocuteurs sont à la fois des porteurs de projets et des responsables de plateformes. Parmi eux, on compte des représentants de médias régionaux, de pure players (c’est-à-diredes médias lancés en ligne, non adossés à un autre support préexistant), d’un web-documentaire, d’un mensuel papier et d’un site hébergeant des enquêtes financées au cas par cas8. Nous nous sommes focalisé sur les projets qui relèvent du journalisme – sous-catégorie présente au sein des plateformes généralistes – et qui ont récolté au minimum plusieurs milliers d’euros (la somme maximale étant de 376 275 euros pour l’opération de sauvetage portée par les salariés de Nice Matin)9. Enfin, en dernier lieu, la littérature internationale a été exploitée afin de contextualiser le phénomène et saisir ses ramifications (économique, politique, droit, société, communication). Les travaux produits sont encore peu nombreux – le phénomène reste relativement récent – et hétérogènes en raison des contextes nationaux, de la diversité des disciplines d’origine ou des ancrages théoriques adoptés (action collective, usages et gratifications, interactions homme-machine, incitations économiques). De plus, les problématiques soulevées abordent une grande variété de thèmes : typologie des motivations des contributeurs (Jian, Shin, 2014), compétences attendues des journalistes (Sanchez-Gonzalez, Palomo-Torres, 2014), effets sur les marges d’indépendance de la profession (Hunter, 2015), tendance au plébiscite des sujets « concernants » (Jian, Usher, 2014), opportunité pour redéfinir les types de gouvernance (Cagé, 2015), potentialités en matière de décentralisation du pouvoir éditorial (Aitamurto, 2011), état des lieux international des plateformes dédiées au journalisme (Carvajal, Garcia-Aviles, Gonzalez, 2012) ou impact du marketing sur le succès des campagnes (Burtch, Ghose, Wattal, 2013)10.

  • 11 À Society, plusieurs journalistes sont passés par des écoles de commerce ; dans Les Jours, l’un des (…)

10Soulignons aussi, toujours dans le registre épistémologique, que les entretiens sont empreints de diverses tonalités qui ont à voir avec les lignes éditoriales des médias interrogés, la santé économique de ces derniers et les statuts de celles et ceux qui nous ont accordé une interview. Par exemple, plusieurs journalistes de notre panel sont fondateur et actionnaire de leur média (Rue89Strasbourg, Marsactu, Aqui, Brief.me, Enquête ouverte, Nice Matin, Hexagones, Society). Se côtoient et s’hybrident ainsi des profils (journaliste, chargé de développement, manager, « start-uper »…) dont les parcours scolaires et professionnels se situent à la fois du côté des « business schools » (par exemple, l’École supérieure de commerce de Paris), du monde de l’entreprise (privée), de l’information et des écoles de journalisme11. Cela contribue donc à expliquer les registres argumentatifs – parfois contradictoires – que mobilisent nos interlocuteurs quand ils défendent le bien-fondé du recours au financement participatif et les techniques employées pour mener à bien les collectes.

  • 12 « Je suis journaliste, pas commercial » (nous traduisons).

11En outre, rappelons que le caractère imprécis des frontières du journalisme a déjà été documenté par de nombreux travaux ; et ce, autant à l’échelle de la profession qu’à l’échelle individuelle (on pense aux tâches prises en charge par les « travailleurs de l’information » : technologie, communication, édition, modération, présentation…). Ainsi les rédactions voient-elles de plus en plus s’affirmer en leur sein des profils de manager (-journaliste) qui essaient de conjuguer tant bien que mal les logiques éditoriales, économiques et commerciales (Champagne, 2000 ; Hubé, 2010). Dans le cas qui nous intéresse, de nombreux projets sont portés par des médias dont les journalistes (co-fondateurs) arborent, bon gré mal gré, plusieurs casquettes (financement, communication, direction) et, à ce titre, s’impliquent dans diverses tâches : poster des messages sur l’internet, rédiger des communiqués de presse, rencontrer des investisseurs, etc. Le premier article publié sur le financement participatif et le journalisme (Aitamurto, 2011) enregistrait déjà cette tension. Un interviewé y concédait : « I’m a journalist, not a salesperson »12.

Le financement participatif comme outil de communication

Façonnage du message et cadrage interprétatif

  • 13 Données provenant des plateformes (sept. 2015).
  • 14 Par exemple, on peut mentionner l’album de musique Grégoire, les séries devenues des films Noob et (…)

12Le financement participatif existe depuis une dizaine d’années sous diverses formes et est présent dans un nombre croissant de secteurs d’activité. En termes quantitatifs, depuis ses débuts en 2010, Ulule a reversé un total de plus de 30 millions d’euros aux porteurs de projet dont plus de trois millions pour la catégorie « édition et journalisme ». Du côté de Kisskissbankbank, plateforme lancée quelques mois avant sa concurrente susnommée, la catégorie « journalisme » a généré plus de 1,3 million d’euros sur l’ensemble des 33 millions reversés pour l’ensemble des catégories13. Partant, on comprend que l’essor de cette activité et le succès médiatique de certains projets (jeux vidéo, films, musiques, patrimoine…)14 ont contribué à populariser le système et à sensibiliser de potentiels contributeurs et porteurs de projets.

13Le financement participatif met en relation trois protagonistes (plateformes, porteurs de projets, contributeurs), lesquels s’impliquent suivant une logique qui leur est propre. En résumé, la plateforme, qui se rémunère via des commissions, tente de propager la pratique pour poursuivre son essor économique. Les porteurs de projets espèrent obtenir des fonds via un procédé alternatif et complémentaire aux autres sources de financement habituelles (banques, mécènes, fonds…). Enfin, les contributeurs peuvent soutenir un projet, un produit, une cause ou un ami, et obtenir une contrepartie plus ou moins symbolique (objet, abonnement, rencontres…). Afin que tout le monde y trouve son compte, les plateformes conseillent les porteurs de projets, ces derniers appliquent des recettes et les contributeurs se manifestent, en relayant la campagne ou en participant financièrement dans l’optique de recevoir quelque chose en retour d’ordre matériel ou non (altruisme, estime de soi, etc. – Jian, Shin, 2014).

  • 15 Popularisé en France par C. Salmon (2007), le terme storytelling signifie l’art de raconter des his (…)

14Dans ce qu’il convient de nommer un « marché du don », les porteurs de projet intègrent rapidement la nécessité d’assurer le succès de leur campagne en investissant les techniques mercatiques – le terme marketing, entendu à plusieurs reprises lors des entretiens, doit être compris comme une notion nébuleuse qui recouvre à la fois un état d’esprit et des techniques et méthodes visant à satisfaire des clients et à prendre des parts de marché aux concurrents. Dès lors, les études comparatives – un responsable d’une plateforme évoque l’utilité du benchmarking –, la communication ou le façonnage de la marque comptent parmi les leviers servant à optimiser les récoltes de fonds. Plusieurs interviewés ont également introduit le concept de storytelling15 dans cette même logique. Suite à notre demande d’éclaircissement, l’un d’eux développe :

« Je rentre dans un champ concurrentiel qui est celui de la “communication de gens qui demandent de l’argent”. Sachant ça, il faut que vous trouviez une histoire qui soit singulière. Parfois elle l’est, parfois elle ne l’est pas. Parfois elle l’est, vous ne savez pas la raconter. Parfois elle ne l’est pas, y a des gens qui vont réussir à broder une histoire qui n’est pas la leur et qui vont mentir. L’idée n’est pas de mentir […], par contre c’est de savoir raconter sa propre histoire. D’où on vient, ce qu’on fait et où on va. Et c’est en ce sens-là que je mettais “storytelling” derrière » (journaliste et chargé de développement, magazine généraliste).

15La mise en récit de la campagne s’appuie donc sur une histoire quelque peu arrangée qui est censée accrocher l’attention et favoriser la propagation du message et le déclenchement de gestes de soutien (contributions financières, relais sur les réseaux socionumériques). Un journaliste précise que le texte de présentation de son projet a fait l’objet de « sept à dix réécritures » avant d’être publié. Dans le cas de l’opération de Nice Matin, c’est l’histoire du premier chèque reçu, celui envoyé par une nonagénaire, qui sera largement relayée. Les journaux télévisés (tf1 et France 2) réaliseront même un reportage consacré à ce geste.

16Dans une logique mercatique, il s’agit non seulement de concevoir un message pertinent et efficace dans le but de récolter des fonds, mais aussi d’imposer un cadrage interprétatif au sujet de la démarche. En effet, l’argumentaire doit être ajusté car, ainsi que l’explique un responsable de l’une des deux principales plateformes, « si jamais la communauté sent que le message est trop travaillé, trop publicitaire, ça marche moins. Qu’ils [les porteurs de projet] le fassent avec leur ton à eux. Ça doit quand même être assez fin ». Il est également conseillé aux journalistes d’imposer un angle positif qui fera de leur campagne un projet en développement, en devenir, et non une « opération de charité » vouée à sauver un média en situation d’échec. Ce positionnement n’est pas sans rapport avec l’inclination idéologique véhiculée par le financement participatif, comme nous le verrons dans la dernière partie.

  • 16 Connu du grand public pour sa participation à l’émission de télé-crochet Nouvelle Star (M6, puis D8 (…)

17Appliquées de différentes façons, les techniques de communication donnent lieu à une production de textes, vidéos, visuels, événements, etc. Le magazine Society a bénéficié des conseils du groupe de communication Havaspour rédiger et alimenter en messages ses comptes sur les réseaux socionumériques. Marsactu a conçu des « kits de communication » numériques mis à disposition de leurs soutiens afin que ces derniers puissent agrémenter leurs comptes Facebook et Twitter avec des bannières préformatées appelant à soutenir le titre. Le futur média Les Jours a produit une série de spots vidéo avec le concours d’André Manoukian16 comme unique acteur. Ces vidéos, a tenu à préciser une personne de ce média, ont un double avantage : d’une part, elles permettent d’entretenir la dynamique de la campagne avec des spots « décalés » et « léchés » esthétiquement et, d’autre part, elles sont réutilisables comme supports de publicité puisque leur message est intemporel (il est fait référence au média et non spécifiquement à la campagne de financement participatif).

18De manière pratique, les plateformes conseillent également aux porteurs de projets de viser un modèle-type de courbe de progression des contributions. Ainsi le média doit-il veiller à ne pas avoir une jauge de progression proche de zéro au moment du lancement public de l’appel. Un tel cas de figure risquerait de dévaloriser le média quant à sa capacité à susciter des soutiens. Un premier cercle doit donc être sollicité dans les premières heures de la campagne afin d’assurer une dynamique de confiance. Dans cette perspective, la campagne du futur média Les Jours affichait 10 000 euros récoltés au moment du lancement public, soit 20 % de l’objectif final des 50 000 euros. La page du projet avait été créée quelques heures avant l’annonce officielle, la veille au soir, et les premiers cercles (famille, amis) avaient été sollicités dans la foulée afin de faire décoller la courbe.

Relais de communication et « viralité »

19Les campagnes sont l’occasion de récolter des fonds, mais pas seulement. Ces dernières sont également utiles dans le but de faire connaître un projet et toucher de larges publics. En réponse à une question de la rubrique faq (Frequently asked questions), le site Kickstarter proposait sa conception du service :

  • 17 « Question : “Je souhaiterais passer par Kickstarter pour sortir mon projet, mais je n’ai pas vraim (…)

« Question: “I’d like to use Kickstarter to get my project out there, but I don’t really need money. Is that okay?”
Answer: “Kickstarter is about more than just money. A Kickstarter project is a great way to connect with your audience and spread the word about your work”» (cité in : Gerber, Hui, Kuo, 2012)17.

20Ainsi le financement participatif est-il à la fois sujet et vecteur de communication. Les campagnes ont besoin de faire parler d’elles pour toucher un large public et collecter de l’argent et, dans le même temps, celles-ci permettent de créer une dynamique de communication – sous le faux nez du financement participatif, dans certains cas.

21Afin de toucher leurs cibles, les porteurs de projets visent des relais de communication enclins à diffuser le message aux communautés potentiellement intéressées : « Quand je parlais de stratégie de communication… Il faut se dire, tel influenceur, telle personne sera susceptible de parler de mon projet. Il est suivi par tant de personnes sur Twitter. Y a vraiment un travail de cartographie de la communauté qu’il faut faire avant » (journaliste, site web spécialisé).

22Des messages non directement sollicités peuvent également concourir au rayonnement d’une opération. On pense aux annonces sur les réseaux socionumériques (tweets, posts sur Facebook) de personnes dont les comptes sont largement suivis, comme cela a été le cas avec des élus politiques de premier plan (aux niveaux régional et national) appelant à soutenir les salariés de Nice Matin ou avec des journalistes renommés relayant leur soutien envers les initiatives de leurs confrères.

23La recherche de visibilité suppose aussi une association symbolique ou un parrainage direct avec des personnalités déjà connues, ce qui permet de toucher plus facilement des communautés préconstituées et, ainsi, de passer quelques barrières en matière de communication. Cette association peut être contractuelle, mais elle peut aussi résulter de raccourcis cognitifs fondés sur la connaissance que les publics peuvent avoir des carrières et parcours professionnels des porteurs de projets. Le site d’entretiens Hors-série jouit d’une filiation avec le site Arrêt sur images, le projet photographique La France vue d’ici est partenaire de Médiapart, la revue Society est une émanation du groupe Sopress(SoFoot, SoFilm, Doolittle, Pédale…), le futur site Les Jours est lancé par des anciens de Libération, etc.

  • 18 Journaliste, écrivain et plasticien, D. Robert est principalement connu pour son enquête sur la cha (…)

24Le recrutement potentiel de « locomotives médiatiques » préfigure aussi l’ampleur des campagnes ainsi que l’analyse, après coup, un responsable du site web généraliste Hexagones. Ce dernier estime que, s’il avait pu bénéficier de l’engagement officiel du journaliste Denis Robert18, il aurait fixé un objectif plus élevé, vraisemblablement plus proche des 50 000 euros que des 15 000 finalement demandés : « S’il avait fait la com[munication] d’Hexagones, d’abord on aurait été partout dans les médias. Et l’opération de financement participatif aurait pris une tout autre ampleur » (responsable du site web Hexagones).

25Autre carte jouée, celle des relations publiques à destination des rédactions. En effet, l’audience d’un média est un enjeu de premier ordre soit parce qu’elle est massive, soit parce qu’elle est ciblée sur une zone géographique. Pensons par exemple aux décrochages de la chaîne de télévision France 3 ou ceux de la radio France Bleue pour les cas de Nice Matin, Rue89Strasbourg, Marsactu à Marseille ou Aqui en Aquitaine. À ce titre, les plateformes conseillent de « mâcher » le travail en contactant les journalistes pour de les sensibiliser quelques jours avant le lancement officiel de la campagne. Le but recherché est de bénéficier d’une publicité gratuite sous couvert d’une communication orientée sur la nécessité de soutenir un média et donc le pluralisme de l’information.

26À ce propos, ajoutons, que le responsable du pôle projet et de la communication de la plateforme Ulule, avec qui la plupart des interviewés ont été en contact, est un ancien journaliste chargé du développement web du site d’un hebdomadaire français à grand tirage (Marianne). Celui-ci connaît donc particulièrement bien le milieu et les rouages des rédactions parisiennes. De surcroît, ce dernier dispose toujours d’un carnet d’adresses entretenu (actif).

27Enfin, les médias usent de leurs propres listes de contacts et courriels qui ont été collectés au cours de leur histoire. Si les plus petits projets évoquent des fichiers contenant plusieurs milliers de coordonnées, les plus gros médias et/ou les plus anciens, revendiquent plus de 100 000 contacts cumulés. De plus, les titres déjà installés disposent de comptes sur les réseaux socionumériques pour faire passer leur message, autant de fois que nécessaire. Ainsi le magazine Society peut-il tirer profit de la page Facebook du magazine SoFoot (du même groupe) qui affiche plus de 600 000 suiveurs au moment de la campagne (début 2015).

28Les médias disposent donc de plusieurs leviers de communication auxquels les campagnes de financement participatif offre un support de circonstance. Dans l’optique de favoriser l’issue et l’ampleur des collectes, les diverses techniques employées supposent également un investissement protéiforme de la part des porteurs des projets.

Un travail en soi

Un investissement multiforme

  • 19 Ces projets sont refusés car ils coûtent de l’argent (frais de logistique liés au remboursement en (…)

29Les campagnes de collecte induisent donc un certain degré d’investissement de la part des porteurs de projets. En cela, et à rebours d’une autre idée reçue, il s’agit rarement, surtout pour les petites structures, d’« argent facile » – en référence à l’analyse de Julie S. Hui, Elizabeth Gerber et Michael D. Greenberg (2012). D’ailleurs, un responsable d’une plateforme affirme que l’un des premiers motifs de refus de projets (environ 30 % de l’ensemble des propositions reçues – entretien, novembre 2014) vient du fait que des personnes peu sérieuses imaginent récolter quelques centaines ou milliers d’euros sans évaluer le travail que cela représente19.

30Les plateformes insistent aussi sur le fait que le travail commence en amont des campagnes afin d’optimiser les chances de réussite. Une journaliste corrobore cette idée avec une formule qu’un responsable d’une plateforme lui avait prescrite : « Une campagne, c’est à la fois un sprint et un marathon ». En d’autres termes, le procédé requiert une activité continue et soutenue, laquelle est systématiquement sous-évaluée si l’on en juge les déclarations de l’ensemble des personnes que nous avons interrogées. Un des journalistes des Jours, média constitué d’une équipe de neuf personnes au moment de la campagne, revient sur cet aspect dans le cadre d’une interview réalisée trois mois après la fin de la collecte :

Question : « Quel conseil donneriez-vous à des médias indépendants qui souhaitent utiliser le crowdfunding ? »
Les Jours : « D’y passer du temps. Ça prend beaucoup de temps, en amont, pendant la campagne. On y a passé des semaines entières, et pendant la campagne ça nous occupait tous les jours. Il fallait tout le temps être sur la campagne, pour la suivre, répondre aux questions, relancer de façon ciblée, faire la pub de la campagne »20.

31Même quand le procédé semble mieux appréhendé, la charge de travail reste importante, surtout pour les petites structures :

« On savait que ça allait nous prendre énormément de… moi j’étais à plein temps dessus. Mes collègues ont quand même été beaucoup dessus. Il a fallu communiquer […], il a fallu animer à proprement parler, avec des messages sur les réseaux sociaux plusieurs fois par jour, une page projet qui évolue, des supports de communication. On a beaucoup utilisé Facebook, ça aide aussi à structurer la communication » (journaliste, site web régional).

  • 21 Le « capital social » est entendu comme « l’ensemble des ressources actuelles ou potentielles qui s (…)

32Ce genre de travail suppose divers types de ressources : du temps, pendant la campagne, mais aussi en amont et en aval de celle-ci ; des compétences de divers ordres (infographie, vidéo, animation des réseaux socionumériques, management, marketing, comptabilité, relations publiques…) ; un capital social et un capital symbolique21 susceptibles d’impliquer des relais de communication influents.

33Dans le cadre de leur étude, Julie S. Hui, Elizabeth Gerber et Michael D. Greenberg (2012) ont cherché à isoler les différentes séquences de travail. Si leur démarche est critiquable (améliorer le système dans une optique de recherche « interaction homme-machine » relevant de la discipline du design), leurs constats permettent néanmoins de cerner les principales phases d’une campagne de collecte. Pour ce faire, ces chercheurs ont interviewé 46 porteurs de projet et ont également lancé leur propre campagne de financement participatif (sur le site Kickstarter). Selon eux, les principales tâches auxquelles sont nécessairement confrontés les porteurs de projet se distribuent ainsi : compréhension du système, conception d’un prototype, phase de test, marketing, gestion de la campagne et, enfin, retour d’expérience avec la diffusion d’enseignements et de conseils.

  • 22 Quelques (membres des) médias avaient déjà une expérience dans le financement participatif : Horss (…)

34Si toutes les campagnes expérimentent ces phases en trois temps (avant, pendant, après), les manières de les appréhender sont tributaires des situations conjoncturelles que connaissent les médias : première expérience de financement participatif22 ; situation d’urgence (sauvetage) ; taille de l’entreprise, et donc nombre de personnes mobilisables ; part attendue du financement participatif dans le montage financier ; média déjà connu ou nouvel entrant. Bien que les cas soient variés, on observe néanmoins des régularités qui démontrent la rationalisation avancée du procédé.

Les trois temps d’une campagne

35Dans un premier temps, celui qui précède l’ouverture d’une campagne, les porteurs de projets sont censés étudier leur affaire pour fixer un objectif financier viable, préparer des éléments de langage, contacter des relais influents, sensibiliser leur entourage, etc. Par exemple, les plateformes conseillent de réunir les sympathisants pour évaluer la capacité du média à susciter des soutiens et mobiliser divers types de ressources : « Sur les conseils d’Ulule, on a fait une soirée avec un premier cercle qu’on considérait comme nos fidèles, pour leur présenter la campagne, comment ça allait se dérouler » (journaliste, site web régional).

36La plateforme suggère également d’entrer en contact avec les médias et rédactions (parisiennes) pour préparer le terrain, comme nous l’avons évoqué précédemment. Dans cette optique, un journaliste de Nice Matin a passé deux jours à Paris pour faire le tour des rédactions et expliquer le projet d’offre de reprise du titre par les salariés du journal. Dans les jours qui ont suivi, une fois la collecte lancée, une grande partie des médias, notamment par effet de suivisme, relayait l’information et renvoyait vers la page dédiée à cette opération.

  • 23 Sur les plateformes, chaque porteur de projet dispose d’une page de présentation (où peuvent être a (…)

37Lors de la campagne, deuxième séquence qui dure souvent une quarantaine de jours, les actions sont sans aucun doute les plus visibles. Les messages sont envoyés tous azimuts sur les canaux de diffusion (newsletter, site, réseaux socionumériques)23. Certains effets sont d’ailleurs directement observables. C’est ce qu’indique, par exemple, un journaliste du projet Les Jours à propos du rythme des contributions enregistrées : « À chaque newsletter, tous les mardis, ça repartait ». Les pages projets, hébergées sur les plateformes, sont mises à jour avec des contenus multimédias : vidéo de présentation, photos des membres de l’équipe, etc. Il s’agit de « faire vivre » la campagne, expression renvoyant à une double signification, à savoir animer la collecte en faisant en sorte que le message soit largement diffusé, mais aussi « rendre le change » vis-à-vis des contributeurs, en les remerciant et en produisant de nouveaux contenus (notes d’intention, exclusivités, aperçu des coulisses).

38La phase la plus active peut également donner lieu à l’organisation de rendez-vous physiques, notamment dans le cas des médias déjà connus qui rencontrent des difficultés. Le lancement d’une soirée de soutien, d’un concert ou d’une vente aux enchères sont autant de moyens de faire parler d’un projet et de collecter des fonds.

39Enfin, troisième séquence, une fois la campagne arrivée à son terme, vient le temps d’honorer les contreparties :

« Ça prend du temps, par exemple, là, ça fait deux jours qu’on envoie les contreparties […], collecter les adresses, puis envoyer les livres, les cd, etc. » (journaliste, site web spécialisé).

« Faut anticiper la gestion des contreparties. Ce qui n’est pas rien quand on commence à avoir une grosse mobilisation. Même si elles sont symboliques, il faut quand même pouvoir le faire. C’est du temps en fait » (actionnaire, mensuel).

  • 24 Spot.us était une plateforme étatsunienne qui a finalement fermé en février 2015.

40Le système des contreparties, lesquelles ne sont pas toujours demandées par les contributeurs (il suffit de cocher une case lors de la transaction), laisse entrevoir la nature ambiguë de la participation. Dans un cas, il peut s’agir d’un soutien venant de connaissances (famille, amis) ou bien de personnes, futurs ou actuels porteurs de projet, qui espèrent un geste en retour, même différé. Cette situation paradoxale – où, dans le cadre d’une relation contractuelle, des contributeurs peuvent ne pas s’intéresser aux projets finis – a déjà été constatée dans la littérature. En effet, nombre de contributeurs ne réclament pas leurs contreparties ou ne viennent pas lire les reportages qu’ils ont contribué à financer, ainsi que l’ont constaté Tanja Aitamurto (2011) puis Lian Jian et Nikki Usher (2014) pour le cas de la plateforme spécialisée dans le financement de reportages journalistiques Spot.us24. Dans un autre cas de figure, le don peut relever non pas de l’acte désintéressé (« faire une donation »), mais plutôt de la transaction commerciale. On pense, par exemple, au pré-abonnement à un support papier au tarif réduit qui n’apporte finalement pas grand-chose au média en termes économique – mais, comme l’analyse cet article, cela constitue rarement le ressort principal des collectes.

  • 25 J. T. Matthews, V. Rouzé et J. Vachet (2014 : suite numérique #4) précisent que l’intense travail p (…)

41On le voit, une campagne de financement participatif est également une campagne de communication qui exige un investissement important25. Les différentes techniques et conseils prodigués induisent à la fois l’application de méthodes standardisées et l’adoption d’un état d’esprit approprié.

Idéologie marchande

  • 26 On peut lire un début de réflexion à ce propos dans le court essai de J. Cagé (2015). L’économiste (…)

42Le financement participatif recouvre des secteurs et cas de figures de plus en plus variés, favorisant ainsi l’essor et l’assise du système. En filigrane, s’impose également une idéologie et une série d’implications qui méritent d’être questionnées, notamment pour l’exemple qui nous intéresse ici, celui des médias d’information. En quoi réside le caractère innovant de ce type de financement ? La terminologie n’induit-elle pas des malentendus à propos, par exemple, du qualificatif participatif qui concerne uniquement une partie du financement, sans que celui-ci ne soit articulé aux questions de gouvernance26 ? Aussi, n’y a-t-il pas un paradoxe entre, d’une part, le discours souvent moralisateur des porteurs de projet, lesquels expliquent que le lecteur, en tant que citoyen, doit nécessairement financer les médias d’information et, d’autre part, la démarche mercatique et équivoque – car non assumée en tant que telle – propre à ce type de financement ? Par ailleurs, ce procédé est-il bénéfique à l’ensemble des médias ? Ou ne favorise-t-il pas principalement les marques et journalistes déjà connus (loi des avantages cumulés ou « effet Matthieu ») qui acceptent de « jouer le jeu » ?

43Sans prétendre apporter des réponses à toutes les questions suscitées par cet objet, cette dernière partie cherchera davantage à interroger les fondements de cette pratique. À cet égard, certains propos tenus par les interviewés permettent de saisir différents registres argumentaires qui servent à légitimer le recours au financement participatif. Ainsi que l’explique longuement un responsable d’une plateforme, les opérations de collecte s’inscrivent pleinement dans l’économie ordinaire des relations sociales en en exploitant les comportements qui en résultent (suivisme, réciprocité, surveillance, etc.) :

« Je vais aller sur cette campagne […] si tous mes potes la partagent, c’est qu’il se passe bien quelque chose donc je vais cliquer, je vais regarder. Le fait qu’il y a du monde compte […], l’impression que tous mes potes en sont. C’est comme pour les soirées, j’ai juste envie d’en être quoi ! Finalement je participe. Peut-être que plus tard, je ne sais même plus bien pourquoi. Parce qu’à un moment donné, y a aussi cet élan-là. D’aller là où les gens sont, de participer là où les gens participent ».

44En tant que dispositif socio-technique, les plateformes ont été pensées pour favoriser les interconnexions avec les réseaux socionumériques et les outils de communication électroniques. Ainsi les activités et marques d’intérêt peuvent-elles être facilement publicisées et diffusées (Gerlitz, Helmond, 2013). La posture participative de ce mode de financement vient donc se greffer sur des communautés en grande partie préexistantes et tirer profit (via le prélèvement d’une commission) du travail que font les porteurs de projets, lesquels mobilisent leur capital (social et symbolique) pour susciter des contributions. En somme, le mécanisme consiste à convertir du capital social et symbolique en capital économique par le truchement du financement participatif, ce dernier venant offrir un cadre et un discours pour réaliser l’opération.

  • 27 En économie, « l’effet d’aubaine » implique de profiter d’un dispositif incitatif (défiscalisation, (…)
  • 28 La devise de Kisskissbankbank est « Libérons la créativité ! » ; celle d’Ulule est « Donnez vie aux (…)
  • 29 Sur l’histoire de la production par les usagers (user production), voir  J. F. Hamilton (2014). Pou (…)
  • 30 Des médias comme L’Humanité (dont la première souscription date de 1907) ou Le Monde diplomatique f (…)

45L’habileté de ce procédé de levée de fonds vient également de son caractère novateur – donc mal connu – qui se présente en phase avec les mutations induites par l’ère numérique. Un journaliste d’un site web régional explique ainsi l’une des raisons qui l’ont poussé à opter pour ce type de financement complémentaire : « C’est clairement un outil de marketing moderne, numérique, qui correspond à l’époque ». Comme une évidence, ou par mimétisme, voire par effet d’aubaine27, le recours au financement participatif est finalement peu questionné et s’impose de lui-même, ainsi que sa terminologie (don, participatif, empowerment…)28. Ce faisant, ce phénomène contribue – à son tour (web 2.0, user generated content, citizen journalism, crowdsourcing, etc.) – à entretenir la figure de l’« usager actif » en promouvant la « capacité à agir » de tout un chacun, aussi bien l’usager-porteur de projet, que l’usager-contributeur. Cette posture discutable – et discutée29 – tend à prescrire à la fois une manière de percevoir l’essor du financement participatif et une façon pratique d’expérimenter le procédé. Le caractère démocratique et salutaire de ce système est mis en avant ; ce qui contribue en creux à pointer les défaillances des autres canaux de financement (complexité des aides publiques à la presse, frilosité des banques, sous-utilisation des plateformes de dons réservées aux médias – J’aime l’info et Presse et pluralisme –, ces dernières étant peu connues ou non accessibles aux nouveaux entrants). De plus, l’image moderne de ce type de collecte bénéficie, dans une certaine mesure, de l’attrait pour la nouveauté, lequel permet une démarcation vis-à-vis des formes traditionnelles de soutien financier aux créateurs, notamment le système multiséculaire de souscription30. D’autre part, la mise en place d’une campagne de collecte telle que prescrite par les plateformes implique d’adopter non seulement un dispositif, mais plus encore une vision entrepreneuriale. En effet, il est recommandé aux porteurs de projets de valoriser leur esprit d’entreprendre et leur goût de l’aventure plutôt que de critiquer et remettre en question les divers mécanismes qui sont censés assurer le pluralisme de l’information. En définitive, cette conception de l’appel au soutien des lecteurs-contributeurs témoigne d’une posture qui dépasse la simple (« neutre ») mise en relation d’agents sociaux et économiques. Si le service proposé par les plateformes tend à faciliter la gestion des aspects logistiques auxquels peut se confronter tout porteur de projet (particulièrement pour le développement technique d’une solution de paiement), ce dispositif engendre également des discours et une rationalisation du processus qui ont manifestement une affinité avec l’idéologie du libre marché – mise au travail de l’usager (Dujarier, 2008), digital labor (Cardon, Casilli, 2015), concurrence, contournement des dispositifs publics, etc. Pour Jacob T. Matthews, Vincent Rouzé et Jérémy Vachet (2014) – se référant au terme ingénierie du social de Bernhard Rieder –, le procédé induit conjointement « une mise en relation et une mise en adéquation » des acteurs. En d’autres termes, le dispositif technique est aussi un dispositif politique.

Conclusion

46Les mises en relation orchestrées par les plateformes engagent des agents économiques et sociaux hétérogènes. En fonction des statuts, parfois mêlés (journaliste, manager, actionnaire), en fonction de la taille du média et des montages financiers auxquels le financement participatif contribue, on observe une variété de cas de figures qui éclairent de manière concrète l’une des tensions inhérentes au secteur médiatique. Autrement dit, la quête d’un modèle d’affaire viable met aux prises des considérations de divers ordres dont le financement participatif permet de saisir quelques arbitrages et tensions (communication, gouvernance, profession, etc.).

47Après avoir questionné l’essor du phénomène et ses ramifications, puis détaillé les spécificités (ficelles) du procédé ainsi que mis en avant le travail induit par cette démarche, il semble judicieux de prendre du recul pour critiquer l’idéologie que sous-tend le développement de cette pratique. Le recours au financement participatif tel qu’observé dans cet article interpelle eu égard à l’approche politique que l’on serait en droit d’attendre de la part des médias vis-à-vis d’un sujet aussi sensible que l’information. Ainsi la présence de nouveaux intermédiaires, plateformes lucratives qui infusent leurs logiques commerciales, interroge-t-elle quant à la capacité de ce procédé à offrir une perspective pérenne et équitable en matière de financement.

48Les observations et réserves soulevées ici gagneront bien sûr à être suivies d’autres études pour compléter la littérature sur le sujet. Ce faisant, et suite aux retours d’expérience des premières années, il sera plus aisé de saisir à qui profite (le plus) ce phénomène.Haut de page

Bibliographie

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Notes

1 Exemples d’extraits d’entretien :

  • « La collecte, en fait, c’est une opération de communication. Il faut gérer ça un peu comme une opération de marketing » (journaliste, site web spécialisé) ;
  • « La démarche, c’était pas tellement de chercher du financement. C’était plutôt de recruter un groupe de bêta-testeurs » (journaliste et co-fondateur d’un site web généraliste) ;
  • « Le crowdfunding, on n’avait pas besoin de ce financement pour survivre » (journaliste, site web spécialisé) ;
  • « Par rapport aux besoins financiers [du média], c’est assez petit 80 000 euros, mais ça fait parler du projet » (journaliste et fondateur d’un site web généraliste) ;
  • « L’intérêt d’une campagne de crowdfunding, c’est autant l’argent que la communication. J’ai pas peur de le dire » (responsable d’une plateforme).

2 Nous utilisons le terme participatif dans sa plus simple signification (« participer à »), sans reprendre ou valider une quelconque idéologie technophile ou émancipatrice – nous développerons cet aspect plus loin.

3 Au Québec, le terme socio-financement est aussi utilisé.

4 La société Kisskissbankbank est aussi présente dans le secteur du prêt aux particuliers (hellomerci.com) et aux entreprises (lendopolis.com).

5 L’un des plus gros acteurs mondiaux dans le domaine, Kickstarter, est arrivé en France en mai 2015, cinq ans après ses deux autres concurrents précités.

6 Il est possible qu’une même personne effectue plusieurs opérations ; c’est pourquoi nous n’indiquons pas le nombre de contributeurs mais de contributions.

7 Nous tenons à remercier les relecteurs anonymes qui ont commenté la première version de ce texte.

8 Les médias et plateformes concernés sont Aqui, Brief.me, Le Courrier des Balkans, Enquête ouverte,Glifpix, Hexagones, Hors-série, J’aime l’info, Kisskissbankbank, Les Jours, Marsactu, Nice Matin, Paroles de conflit, Rue89-Strasbourg, Society, Terra Eco,Ulule.

9 Ce montant correspond à environ 2 % des 16 millions d’euros du montage financier total (entretien, novembre 2014).

10 Pour une approche du crowdfunding dans différents secteurs culturels, voir L. Bennett, B. Chin et B. Jones (2015) ainsi que l’ouvrage de J. T. Matthews, V. Rouzé et J. Vachet (2014).

11 À Society, plusieurs journalistes sont passés par des écoles de commerce ; dans Les Jours, l’un des co-fondateurs est « start-uper » ; à Marsactu, l’un des co-fondateurs est « communiquant et entrepreneur » ; à Terra Eco, plusieurs personnes sont chargées de la communication et de la « clientèle » ; etc.

12 « Je suis journaliste, pas commercial » (nous traduisons).

13 Données provenant des plateformes (sept. 2015).

14 Par exemple, on peut mentionner l’album de musique Grégoire, les séries devenues des films Noob et Veronica Mars, des restaurations de patrimoine telles celles du dôme du Panthéon ou du tableau L’Atelier du peintre de Gustave Courbet au musée d’Orsay, la montre connectée Pebble, la console de jeux Ouya, le jeu vidéo Shenmue 3 ou le smartphone Ubuntu Edge.

15 Popularisé en France par C. Salmon (2007), le terme storytelling signifie l’art de raconter des histoires dans un but persuasif, en référence, notamment, aux domaines de la communication politique, du management et du commerce.

16 Connu du grand public pour sa participation à l’émission de télé-crochet Nouvelle Star (M6, puis D8) en tant que juré, A. Manoukian est pianiste, auteur, compositeur et interprète ainsi qu’animateur radio.

17 « Question : “Je souhaiterais passer par Kickstarter pour sortir mon projet, mais je n’ai pas vraiment besoin d’argent. Est-ce possible ?”. Réponse : “Kickstarter, c’est bien plus qu’une question d’argent. Un projet sur Kickstarter, c’est un bon moyen pour toucher votre public et diffuser le message à propos de votre travail” » (nous traduisons).

18 Journaliste, écrivain et plasticien, D. Robert est principalement connu pour son enquête sur la chambre de compensation Clearstream.

19 Ces projets sont refusés car ils coûtent de l’argent (frais de logistique liés au remboursement en cas d’échec), mais aussi parce qu’ils font chuter les statistiques (taux de succès) sur lesquelles les plateformes communiquent. Voir la page d’accueil du site Ulule où est affiché : « 1er : le meilleur taux de succès en financement participatif ». Accès : https://fr.ulule.com/. Consulté le 20/11/15.

20 Accès : http://blog.kisskissbankbank.com/histoires/les-jours-des-anciens-de-liberation-lancent-un-media-independant/. Consulté le 12/10/15.

21 Le « capital social » est entendu comme « l’ensemble des ressources actuelles ou potentielles qui sont liées à la possession d’un réseau durable de relations plus ou moins institutionnalisées d’interconnaissance et d’inter-reconnaissance » (Bourdieu, 1980). Le capital symbolique peut être synthétiquement défini comme un « capital de reconnaissance » (Bourdieu, 2015 : 130).

22 Quelques (membres des) médias avaient déjà une expérience dans le financement participatif : Horssérie, Society, Enquête ouverte.

23 Sur les plateformes, chaque porteur de projet dispose d’une page de présentation (où peuvent être affichés textes, images et vidéos) et d’un espace de type blog où sont postés des billets ponctuels sous lesquels les contributeurs peuvent laisser un commentaire. Sont également affichés les éléments chiffrés de la campagne (objectif financier, nombre de jours restant avant la fin de la collecte, pourcentage de progression, paliers des contributions et contreparties associées).

24 Spot.us était une plateforme étatsunienne qui a finalement fermé en février 2015.

25 J. T. Matthews, V. Rouzé et J. Vachet (2014 : suite numérique #4) précisent que l’intense travail promotionnel peut être considéré comme une « compétence essentielle qui, de l’aveu même de responsables de sites de financement collaboratif, prime sur la qualité artistique exigée ».

26 On peut lire un début de réflexion à ce propos dans le court essai de J. Cagé (2015). L’économiste y propose un statut hybride (mi-fondation, mi-société par action) qui articulerait « don » et prise de participation au capital d’une entreprise.

27 En économie, « l’effet d’aubaine » implique de profiter d’un dispositif incitatif (défiscalisation, bonus…) pour réaliser un projet qui l’aurait été même en l’absence de ce dispositif.

28 La devise de Kisskissbankbank est « Libérons la créativité ! » ; celle d’Ulule est « Donnez vie aux bonnes idées ».

29 Sur l’histoire de la production par les usagers (user production), voir  J. F. Hamilton (2014). Pour une critique du « web collaboratif », voir P. Bouquillion et J. Matthews (2010).

30 Des médias comme L’Humanité (dont la première souscription date de 1907) ou Le Monde diplomatique font régulièrement appel à leurs lecteurs en renvoyant ces derniers vers la plateforme Presse et pluralisme (dons éligibles aux défiscalisations). En cours de collecte, en juin 2015, le premier enregistrait 1,8 million d’euros de dons (L’Humanité, 23/06/15, p. 8) ; le deuxième a reçu 242 000 euros de dons en 2013 et 296 000 euros en 2014 (Le Monde diplomatique, 739, oct. 2015).Haut de page

Pour citer cet article

Référence papier

Guillaume Goasdoué, « Le recours au financement participatif par les médias d’information : levier de communication, travail en soi, idéologie marchande  », Questions de communication, 29 | 2016, 289-306.

Référence électronique

Guillaume Goasdoué, « Le recours au financement participatif par les médias d’information : levier de communication, travail en soi, idéologie marchande  », Questions de communication [En ligne], 29 | 2016, mis en ligne le 30 juin 2018, consulté le 01 avril 2021. URL : http://journals.openedition.org/questionsdecommunication/10483 ; DOI : https://doi.org/10.4000/questionsdecommunication.10483 Haut de page

Cet article est cité par

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Auteur

Guillaume Goasdoué

Centre d’analyse et de recherche interdisciplinaire sur les médias
Université Paris 2 Panthéon-Assas
F-75006
guillaume.goa@gmail.comHaut de page

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